En juin dernier 2020, Giuseppe Sergi, vigneron sur l’appellation Bellet à Nice, prenait la succession de Jean-Philippe Frère à la présidence du Comité Technique des Alpes Maritimes de la SAFER PACA. Rencontre avec un homme de responsabilité attaché à son territoire.

Né en 1963 en Italie, Giuseppe Sergi a connu un parcours riche d’expériences. Il grandit à Nice aux côtés de ses parents horticulteurs et maraichers. A 18 ans, il devient l’un des plus jeunes entrepreneurs des Alpes Maritimes en créant son garage de carrosserie peinture. Une aventure qui lui donne très tôt le goût d’entreprendre mais aussi le sens des responsabilités. Sa rencontre avec son beau-père Roland Sicardi le conduit à faire un passage de 6 ans dans la restauration et en 1993, c’est ensemble qu’ils décident d’acquérir le domaine du Clos Saint Vincent, au cœur de l’appellation Bellet. La passion du vin devient rapidement une évidence ; son âme d’entrepreneur n’aime pas la routine : « chaque année il faut repartir à zéro. On ne sait pas ce que va nous réserver le climat, chaque millésime est une nouvelle histoire. C’est passionnant ! ». La relance de ce domaine qu’il conduit aujourd’hui avec ses deux fils, Julien 31 ans et Pierre 28 ans, s’est notamment traduite par l’extension des vignes, aujourd’hui 10 hectares, et par l’adaptation de la production à l’agriculture biologique et la biodynamie.

 

Engagé pour la préservation de l’agriculture

Si la vigne le passionne, Giuseppe fait de l’agriculture au sens large un véritable sacerdoce. Depuis 2007, il est Président de l’appellation Bellet. En 2008, il fait son entrée à la Chambre Départementale d’Agriculture pour y promouvoir la préservation des terres agricoles. Et, en juin dernier, le Président de la SAFER PACA lui confie la Présidence du Comité Technique Départemental des Alpes Maritimes. « Le foncier dans notre département est très prisé, les révisions de prix sont compliquées à mener mais tellement nécessaires. Sans la SAFER nous aurions certainement perdu nos terres agricoles. L’enjeu est de les préserver et d’avoir des acteurs pour les exploiter ou les remettre en culture. La crise sanitaire nous a montré l’importance de nos circuits courts, nous devons conserver une agriculture de proximité. »

 

Qu’est-ce qu’un Comité Technique Départemental ?

Pour mener à bien ses missions, la SAFER dispose notamment d’un « Parlement du foncier » – le Comité Technique Départemental. Il est présidé par un agriculteur ou une agricultrice délégué(e), en l’occurrence Giuseppe Sergi dans les Alpes Maritimes, et par le Président Directeur Général de la SAFER, Patrice Brun.

Les Comités Techniques départementaux sont composés d’une quinzaine de membres : les syndicats agricoles représentatifs dans le département (FDSEA, JA, Confédération paysanne, Coordination rurale, MODEF), la Chambre d’Agriculture, la MSA, GROUPAMA, le Crédit Agricole, la DDT(M), la DDFIP, le Conservatoire d’Espaces Naturels PACA (CEN), la Fédération des Chasseurs, la Région, le Département, et l’Association départementale des Maires.

 

Un parlement du foncier…

Cette composition, très éclectique, donne lieu à un vrai débat face à des dossiers complexes. « Nous avons en moyenne 2 à 3 candidats par dossier et cela peut générer une certaine frustration pour les candidats non retenus. » A part la priorité donnée au maintien de l’agriculture biologique sur des parcelles déjà exploitées en bio, les critères d’appréciation des différents projets sont très divers (économiques, sociaux, environnementaux). « Cette multiplicité des critères nous permet de rentrer dans la complexité des dossiers. Tout est une question d’équilibre, nous travaillons beaucoup en amont avec les correspondants locaux mais le dernier avis revient toujours au Comité. Ce n’est pas au Président de décider ou d’arbitrer, c’est à l’ensemble du comité, c’est un véritable parlement du foncier. Pour être un bon Président, il faut donc savoir rester neutre et impartial, ce ne sont pas des décisions à la légère, elles nous concernent tous, que nous soyons agriculteurs ou citoyens. »

 

… Qui dépasse les frontières agricoles

Aujourd’hui, la SAFER n’est plus « agricolo-agricole » comme à sa naissance dans les années 60 où il fallait restructurer les exploitations agricoles pour gagner en productivité et nourrir la France à faible coût. Depuis les années 1990, les SAFER se sont ouvertes aux collectivités et aux questions environnementales, avec notamment la création d’un droit de préemption environnemental. L’évolution des missions des SAFER s’est traduite par un élargissement de sa gouvernance en 2016 avec l’intégration dans son Conseil d’Administration des syndicats représentatifs même minoritaires : Confédération paysanne, Coordination rurale, mais aussi aux acteurs de l’environnement : la Fédération des Chasseurs est venue rejoindre le CEN PACA déjà présent depuis 2011. La SAFER PACA a été la première en France à intégrer l’association Terre de Liens dans son Conseil d’Administration en tant que censeur.

Chaque année, la SAFER PACA rétrocède en moyenne 7 000 ha pour un montant d’environ 200 millions d’euros. 80% des opérations sont faites à l’amiable et 20% en préemption. Ce droit de préemption permet aux SAFER de réguler le marché foncier en évitant le changement de destination des terres lorsque l’acquéreur n’est pas agriculteur, en limitant la concentration d’exploitations de trop grande taille et en veillant à ce que les prix soient conformes au prix du marché pour permettre l’accès au foncier aux exploitations agricoles et, notamment, aux jeunes porteurs de projets d’installation.