SOS Durance Vivante
(Villelaure)
En outre, le changement climatique en cours peut entraîner des phénomènes à l’occasion des épisodes méditerranéens. La conjugaison d’un fort enneigement, d’un remplissage élevé des barrages, d’un subit réchauffement au printemps avec une fonte rapide des neiges et d’une période d’orages intenses aurait des conséquences catastrophiques : le débit dépasserait les 5000 m3/sec (pour mémoire, au XIXème siècle, la Durance a connu un débit supérieur à plusieurs reprises et elle a dépassé la cote de 5,75m à Mirabeau). Dans ces conditions, il est loin d’être sûr que la réalisation de nouvelles digues, même calibrées autour de 6000 m3/sec puisse permettre de faire face au danger, comme on l’avait déjà constaté en 1993 et 1994 ; elle serait même illusoire, car elle inférerait un sentiment trompeur de sécurité et permettrait d’accroître la surface et le nombre des lieux exposés.
Tous ces éléments sont connus : ils ont fait l’objet de nombreuses études que l’on peut consulter sur les sites officiels (DREAL-PACA, Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse). Le Syndicat Mixte d’Aménagement de la Vallée de la Durance, devenu Etablissement Public Territorial de Bassin et concessionnaire, de la part de l’Etat, du Domaine Public Fluvial, alerte régulièrement sur les risques d’inondations (https://www.smavd.org/la-durance/les-inondations/crues-rares-puissantes/).
Dans ces conditions, on ne peut que s’étonner de la persistance de projets routiers ou de zones d’activité. Aménager et construire dans les zones inondables, alors qu’on en connaît les risques, c’est prendre une responsabilité particulièrement grave.
Les hectares de routes et de zones d’activité se traduisent par une diminution des terres agricoles. Or les terrains situés dans le lit majeur, sont parmi les plus riches, parce qu’ils bénéficient des alluvions lors des submersions. La nappe phréatique se trouve à quelques mètres de la surface ; il n’y a pas de rochers, le système racinaire des plantes peut donc se déployer profondément. Ce sont les zones les plus fertiles et humides de la région. Non cultivées, ces terres jouent un rôle écologique essentiel : absorption des eaux, du CO2, réservoir de biodiversité, lutte contre le réchauffement de la zone, « tampon » et corridor écologiques pour la faune et la flore, beauté paysagère. Cultivées, elles permettent la relocalisation de l’agriculture indispensable pour contribuer à la sécurité alimentaire. A l’heure où la question de l’approvisionnement alimentaire devient plus tendue, alors que les rendements agricoles plafonnent et risquent de baisser, à l’heure où l’équivalent d’un département français est artificialisé tous les dix ans, il paraît temps de revenir à la réalité et de ne pas sacrifier, d’un trait de plume, ce qui pourra être dans les prochaines décennies, une ressource cruciale pour les habitants de notre région.
Réaliser de tels projets, c’est décider de tourner le dos au schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires, dans lequel la Région SUD-PACA déclare vouloir protéger les espaces agricoles, répondre aux enjeux de l’agriculture de proximité et d’alimentation locale.
Ainsi toute nouvelle opération dans le lit majeur de la Durance se traduit par :
un accroissement important du risque grave d’inondation, à l’échelle de l’opération proprement dite (pouvant mettre en cause son intérêt économique lui-même), dans son environnement local, mais aussi plus largement, en pouvant entraîner des désordres en aval, par un véritable jeu de domino. Le changement climatique, en générant des épisodes pluvieux de grande intensité, à différents moments de l’année (comme on l’a vu en décembre 2019), rend obsolètes les référentiels de crues précédemment utilisés (décennal, cinquentennal, centennal)
une nouvelle perturbation dans l’hydromorphologie de la rivière, déjà largement artificialisée et de nouvelles atteintes aux conditions de vie de nombreuses espèces, la suppression de corridors écologiques et donc une nouvelle réduction de la biodiversité, au niveau local comme aux plus grandes échelles
Dans ces conditions, il est illusoire de mettre en balance les avantages économiques des opérations et les impacts sur l’environnement. Ajouter de nouvelles opérations lourdes, se comptant en plusieurs dizaines d’hectares, impliquant la réalisation de digues de grandes dimensions, c’est perturber encore plus un milieu déjà très fragile, sans que l’on puisse évaluer où se trouve le point de rupture. C’est courir le risque de catastrophes irréparables. Loin de répondre aux critères de l’utilité publique, ces opérations relèvent de la mise en danger publique. Bien au contraire, il est devenu nécessaire de mettre en œuvre des actions de restauration pour atténuer les effets des précédents aménagements.
Cette analyse, loin de constituer la vision de la seule association SOS Durance vivante, se retrouve dans différents textes applicables à plusieurs niveaux :
La Directive-cadre sur l’eau
Prescriptions du programme européen de protection Natura 2000
La circulaire du 30 avril 2002 : politique de l’Etat concernant les risques sur les espaces situés derrière les digues
Le décret du 5 juillet 2019 relatif aux PPRI
Le SDAGE Rhône Méditerranée 2016-2021
La gestion du bassin de la Durance par le Syndicat Mixte d’Aménagement de la Vallée de la Durance.
La doctrine Rhône
Ce texte est également transposable aux autres rivières et fleuves de la Région PACA.
Il convient de se souvenir des crues de la Thinée, de la Vésubie et de la Roya.
Les projets routiers de contournement d’Avignon et d’Arles sont inacceptables.
Réagissez
Vous avez déjà un compte